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Les fondements mécanistiques des biais sociaux (SO-BIAS) - Julie Grèzes (LNC2)
Bien que les données suggèrent que les attitudes racistes et sexistes sont de moins en moins répandues, les faits montrent que discriminations et inégalités persistent. Ce phénomène trouve sa cause à la fois de facteurs structurels mais également individuels : les inégalités structurelles sont reproduites par des comportements individuels de façon non-intentionnelle, guidée par des associations implicites. Pourtant l’influence de ces biais implicites sur les comportements n’est pas irrémédiable. Les individus peuvent exercer un certain contrôle sur leurs associations implicites dans des environnements expérimentaux et il apparaît qu’améliorer la capacité des individus à contrôler leurs biais implicites peut également aider à diminuer les discriminations. Toutefois, les facteurs facilitant ou inhibant ce contrôle dans des contextes plus complexes restent mal compris. Notre projet vise à étudier systématiquement la façon dont les biais implicites sont générés et les contextes qui facilitent ou entravent leurs expressions. Plus particulièrement, deux dimensions du contexte seront manipulées : la charge mentale et les conséquences personnelles des décisions. En découvrant les conditions qui favorise l'émergence des biais ou celui de leur contrôle, cette recherche a le potentiel d'informer des stratégies en faveur de l'équité et l'égalité.
Mesurer l'agentivité dans des contextes interactifs gamifiés (MA-GIC) - Valérian Chambon (IJN)
L'agentivité, définie comme la capacité à exercer un contrôle sur les événements de sa vie et à poursuivre des objectifs, est essentielle au bien-être, à la résilience psychologique et à la santé. Les mesures actuelles de l'agentivité connaissent toutefois certaines limitations : elles traitent souvent l'agentivité comme un construit unidimensionnel, sont sujettes à des biais cognitifs divers, et se concentrent sur l'agentivité perçue ou ressentie plutôt que sur les formes d’agentivité que les individus préfèrent exercer. Ces limitations empêchent souvent la généralisabilité de ces mesures aux contextes réels. Pour remédier à ce problème, nous visons à développer deux outils complémentaires, spécifiquement conçus pour mesurer et caractériser les préférences agentives des individus : une échelle psychométrique (WP1-1) et une tâche comportementale gamifiée (WP1-2), toutes deux conçues pour évaluer la position de chaque individu sur deux continuums agentifs clés, à savoir l'abstraction des buts (concret vs. abstrait) et le style d'engagement (exploration vs. exploitation). Ces outils seront ensuite utilisés pour prédire la manière dont les individus évaluent différents messages dans des domaines variés (e.g., le travail, la santé, l'éducation, les loisirs) (WP2-1), puis pour déterminer si le fait d'adapter les interventions aux préférences agentives des individus favorise les comportements préventifs de santé et améliore l'adhésion aux recommandations sanitaires dans des contextes réels (WP2-2). Cette étude sera menée dans la population générale, puis dans une cohorte de patients souffrant de cancer du poumon ou du sein, en collaboration avec l'Institut Curie et Santé Publique France. Cette recherche a le potentiel d'améliorer l'efficacité des interventions de santé en adaptant les recommandations aux préférences individuelles.
Choix du partenaire et évaluation de la compétence (PACE) - Hugo Mercier (IJN)
La capacité de choisir les personnes avec qui nous collaborons — le choix de partenaire — est souvent considérée comme le moteur de l'évolution de la coopération, tant chez les humains que chez les autres animaux. Pour choisir nos partenaires de coopération, nous devons être capables de les évaluer, ce que nous faisons principalement selon deux axes : la bienveillance — la volonté de procurer des avantages aux autres — et la compétence — la capacité à le faire. Les recherches sur le choix de partenaire se sont concentrées sur la bienveillance. Ici, nous nous focalisons sur la compétence. Premièrement, nous étudierons les antécédents évolutifs de la distinction bienveillance/compétence et son lien avec le choix de partenaire, testant si la compétence est prise en compte par les primates non humains dans le cadre du choix de partenaire. Nous mènerons des expériences comportementales chez les babouins de Guinée, en adaptant à la question de la compétence des paradigmes utilisés pour étudier le rôle de la bienveillance dans le choix de partenaire. Deuxièmement, nous formulerons et testerons un modèle général de la manière dont les humains évaluent la compétence en se basant sur la difficulté de la tâche accomplie et la quantité d’effort déployée. Ce modèle sera spécifié mathématiquement à l'aide d'un formalisme bayésien, puis testé expérimentalement, d'abord en utilisant les connaissances générales comme exemple de compétence, avant d'appliquer le modèle à d'autres domaines. Troisièmement, nous développerons et testerons un modèle de la façon dont les individus devraient démontrer leur compétence, de manière à apparaître compétents sans pour autant exagérer et risquer de compromettre leur réputation. Nous commencerons également par tester ce modèle en utilisant les connaissances générales. Ce projet nous aidera à mieux comprendre comment les humains et les primates non humains évaluent la compétence, et comment cela influence leur choix de partenaires de coopération.
Le rôle de la cognition appliquée aux contenus imprévisibles dans l'évolution de l'écriture (UNPREDICTABLE) - Olivier Morin (IJN)
L'apparition de l'écriture a marqué un tournant dans l'évolution de la communication et de la cognition humaines. Elle n’a pourtant pas évolué de manière indépendante dans la plupart des sociétés humaines, qui pendant des millénaires, n'ont utilisé que des codes graphiques spécialisés représentant des types d'informations spécifiques - emblèmes, nombres, unités calendaires. Dans les sociétés qui ont inventé l'écriture de manière indépendante, la notation de la parole est précédée par des notations spécialisées, et elle est d'abord utilisée pour des formes d’écriture télégraphique, n’aboutissant à la notation de phrases complètes que des siècles plus tard. Ce projet tente de décrire ce phénomène, d'en fournir une explication cognitive, et d'explorer les implications plus larges des mécanismes psychologiques sous-jacents. Nous émettons l'hypothèse que le contenu contextuellement imprévisible est plus susceptible d'être encodé : on écrit d’abord ce qui ne peut pas être deviné. Nous testerons trois hypothèses : (H1) certains types de contenu sont systématiquement plus prévisibles que d'autres, d'une manière qui, dans une certaine mesure, résiste aux variations historiques et interlinguistiques ; (H2) les gens peuvent détecter le contenu imprévisible et lui attribuent une valeur cognitive ; (H3) l'évolution de l'écriture devrait suivre une séquence commençant par l'invention et l'utilisation de codes pour les contenus hautement imprévisible (par exemple, les quantités numériques), et finissant par l'encodage du contenu prévisible (par exemple, les articles ou les prépositions). Le projet repose sur trois méthodologies différentes : Des méthodes linguistiques computationnelles sur de grands corpus de textes permettront de tester H1 ; H2 sera testée en menant des expériences pour vérifier que les participants détectent les types de contenus imprévisibles en tant que tels ; nous testerons H3 par une étude systématique de l'évolution culturelle des codes graphiques.
L'unité de l'action humaine (UAH) - Denis Buehler (IJN)
Qu'est-ce que c'est, pour l'homme, que d'agir ? La réponse philosophique standard - la théorie causale de l'action - veut que l'action soit causée de manière constitutive par un état mental antécédent spécifique. Différentes versions de la théorie causale font appel à différentes causes mentales antécédentes pour unifier l'action : certaines font appel à une réflexion d'ordre supérieur, d'autres à des intentions, d'autres encore à des représentations sensorimotrices d'objectifs ou à l'affect. Mais si notre action peut certainement être causée par l'un ou l'autre de ces états mentaux, aucun d'entre eux n'est plausiblement à l'origine de toutes nos actions. La théorie de l'action suppose qu'il doit y avoir quelque chose qui constitue et unifie le type d'action, et donc toutes les actions. Si c'est le cas, il doit s'agir d'autre chose. Ce projet explore l'hypothèse selon laquelle, dans toutes les variétés de l'agence humaine, les individus orientent leurs activités vers un but, c'est-à-dire qu'ils coordonnent, intègrent et compensent les interférences avec leurs activités afin d'assurer la réalisation du but. Le projet vise à soutenir et à expliciter cette idée à l'aide de travaux empiriques sur le contrôle cognitif. Il soutient que ce qui unifie l'agence humaine, dans toutes ses variétés, est l'exercice d'une capacité primitive à guider qui est cons:tuée par le système exécutif central. Le noyau exécutif est un système de fonctions de contrôle cognitif, telles que la mémoire de travail, l'inhibition, le changement de tâche et d'autres, qui opère, au sein de la psychologie de l'individu, pour réguler les nombreux sous- systèmes de l'individu.